Une surveillance moléculaire des souches de rotavirus en milieu pédiatrique avait été mise en place en prévision de la prochaine disponibilité de vaccins anti-rotavirus. Depuis 2004 et surtout l’hiver 2006 nous avons développé un réseau de surveillance épidémiologique et moléculaire des rotavirus comprenant 11 CHU de province, 3 établissements de l’Assistance Publique de Paris (hôpitaux de Saint Vincent de Paul-Necker, Robert Debré et Trousseau) et 2 CHR (Charleville-Mézières et Orléans). Depuis 2017, le CHU de Toulouse et le CHR de Cahors ont rejoint le réseau rotavirus. Ce réseau national est connecté à un plus large réseau européen, le réseau EuroRotaNet.
Participation des CHU/CHRU de Brest, Caen, Dijon, Lille, Limoges, Lyon, Montpellier, Nantes, Paris (Necker-Enfants Malades, Robert-Debré, Armand-Trousseau), Poitiers, Rennes, Saint-Etienne, Toulouse et des CH de Cahors, Charleville-Mézières, Lille (GHICL).
Le recueil des prélèvements sur l’ensemble des saisons 2006-2007 à 2019-2020 est de 11427 souches de rotavirus totalement ou partiellement caractérisées. Les quatre principales combinaisons de génotypes G/P (>1%) ont été durant ces douze années : G1P[8] (46,2%) suivie de G9P[8] (28,9%), cumulant à elles seules 75,1% des souches détectées, puis G3P[8] (10,1%) et G2P[4] (5,9%). Les autres combinaisons d’importance significative étaient G4P[8] (2,1%) et G12P[8] (2,0%).
Ainsi, les six combinaisons génotypiques désormais classiques (G1P[8], G2P[4], G3P[8], G4P[8], G9P[8] et G12P[8]) représentaient 95,2% des souches caractérisées. Les génotypes ou combinaisons atypiques (incluant notamment quelques associations de génotypes G et P classiques) représentent 1,7 % et les infections mixtes 1,6%.
L’analyse séparée des génotypes G montre une répartition des souches semblable à celle observée pour les combinaisons G/P. Les génotypes G inhabituels détectés en France en 2019-2020 ont été des souches G8 (6 souches, 2,3%) dont trois souches d’origine bovine. Aucun génotype G5, G6 ou G10 (souches d’origine bovine) n’a été caractérisé durant la saison 2019-2020.
Les faits marquant de cette saison 2019-2020 est : i/ l- la forte poussée des rotavirus de génotype G3 avec 50,2% de détection (138 souches), ii/ - la décroissance franche des rotavirus de génotype G9 avec 12,6% de détection (33 souches), iii/ - la nette progression des rotavirus de génotype G12 avec 19,9% de détection (52 souches). Ce génotype a atteint son plus haut taux de circulation depuis son émergence timide en France au cours de la saison 2011-2012 (4,2%). En effet, cette émergence du rotavirus G12 (associé au génotype P[8]) a été observée dans toute l’Europe mais avec des différences selon les pays. L’Espagne était le pays où cette émergence avait été la plus marquée avec une fréquence >60% dans le Pays Basque, taux jamais atteint en France, mais démontrant une forte capacité épidémique.
Les génotypes P sont peu diversifiés et très largement dominés par le génotype P[8] (globalement 92,8% entre 2006-2019 et 93,5% en 2019-20), alors que le génotype P[4] représente globalement 6,1% entre 2006-2019 et 4,9% cette dernière saison. Ce résultat concernant le génotype P[4] est toujours à considérer dans le suivi des effets de la vaccination (en particulier avec le vaccin Rotarix® constitué d’une souche G1P[8] atténuée).
Entre 2006 et 2020, les génotypes atypiques en France étaient représentés par P[3], P[5], P[6], P[9] et P[14] ce qui représentait 117 (1,1%) souches. Durant la saison 2019-20 nous avons détecté uniquement le génotype P[14] (4 souches) soit 1,5% du total des souches caractérisées.
La constance et l’hégémonie de la prévalence du génotype P[8] entre 2006 et 2020 est rassurante et doit être soulignée s’agissant de l’efficacité de la vaccination puisque les deux vaccins commercialisés possèdent cette valence antigénique dans leur composition.
L’évolution des génotypes G/P durant cette période de surveillance est marquée par :
─ le génotype G9P[8] : après sa brutale émergence en 2004-05 (65,0%), sa fréquence diminuait régulièrement de 25,1% à 6,3% en 2012-2013. Sa réapparition à un taux élevé au cours des saisons 2013-14 et 2014-15 (21,1% puis 30,9%) puis sa réémergence au cours des saisons 2015-16 et 2016-17 (66,0% et 74,1%, respectivement) et son maintien à des fréquences élevées au cours des saisons 2017-18 et 2018-19 (47,0% et 49,1%) laissaient des interrogations quant à sa circulation et son évolution d’autant cette la forte prévalence des G9P[8] semble concerner plus particulièrement la France. La forte prévalence des G3P[8] au cours de la dernière saison a donc changé la donne car la fréquence de détection des G9P[8] a fortement chuté (12,0% en 2019-20) pour retrouver des taux post-émergences du début des années 2010.
─ le génotype G1P[8] stable depuis plus de 10 ans a vu sa fréquence chuter avec la réémergence des G9P[8] puis des G3P[8] (entre 53,0% et 73,1% entre 2005 et 2015 ; entre 9,0% et 16,8% en 2015 et 2019 ; et seulement 7,5% en 2019-20). Ce phénomène a déjà été observé en 2004-05 mais il n’avait duré qu’une seule saison. Les résultats des génotypages des prochaines saisons seront à regarder de près avec soit une réémergence des G1P[8] au détriment des G9P[8], G3P[8] voire G12P[8], soit une persistance des G3P[8] à de hauts niveaux de prévalence, soit une poussée d’infections à G12P[8].
─ le génotype G3P[8] : jusqu’ici sa fréquence restait relativement faible avec quelques pics de détection supérieur à 20% au cours des saisons 2003-04 et 2011-12. Les saisons 2017-18 et 2018-19 indiquaient une probable réémergence de ce génotype qui s’est confirmée au cours de la saison 2019-20. Cette réémergence due à une souche particulière dite equine-like sera à surveiller pour la prochaine saison.
─ le génotype G12P[8] : son émergence récente (4,2% en 2011-12 et 3,0% en 2012-13) laissait penser qu’il deviendrait l’un des six génotypes importants en France. Après quelques saisons creuses (0,6% à 2,8% de détection), ce génotype a été détecté à une fréquence particulièrement élevée de 19,5% (52 souches) en 2019-20 confirmant la persistance et l’accélération de la circulation des rotavirus G12 en France. Ce rotavirus G12P[8] pourrait devenir prépondérant au cours des prochaines saisons.
─ les autres génotypes G2P[4] et G4P[8] évoluent de façon cyclique selon les saisons : G2P[4] (entre 1,6% et 17,2%) et G4P[8] (entre 0% et 7,3%).
─ en dehors du génotype G12P[8], décrit précédemment dans les souches dites « classiques », les génotypes atypiques sont des combinaisons incluant l’un des génotypes G6, G8, G10, P[3], P[5], P[6], P[9] et P[14]. Sur l’ensemble de l’étude, elles représentent 128 souches (1,1%) dont 7 (2,6%) en 2019-20. Parmi ces génotypes inhabituels, le génotype P[6] est le plus important (73 souches au total). Certaines de ces souches peuvent être d’origine animale, notamment bovine et caprine. Il s’agissait pour la dernière saison de souches G8P[8] (3) et G8P[14] (4). Ces souches G8P[8], détectées régulièrement depuis quelques saisons, sont à surveiller car elles pourraient émerger dans les prochaines saisons à l’instar des G9P[8] (2004-05) et G12P[8] (2011-12). Cette combinaison génotypique montre l’adaptation des souches G8 à l’homme. ─ les combinaisons atypiques, par exemple G2 associé à P[8] ou G1, G3, G4, G9 ou G12 associé à P[4] représentent 1,0% des souches détectées de 2006 à 2020 mais aucune sur la dernière saison.
La surveillance épidémiologique des souches de rotavirus a été effectuée en France en dehors de toute pression vaccinale. En effet, la couverture vaccinale ne dépasse pas, en 2020, 5% tous vaccins confondus.
La distribution saisonnière des épidémies de gastro-entérites à rotavirus s’étale en France principalement entre décembre et avril avec de faibles variations selon les saisons. En revanche, il semble exister une différence entre les centres parisiens, où les épidémies commenceraient plus tôt, dès décembre, suivi par la province de février à avril.
Les résultats significatifs concernant la répartition des génotypes des rotavirus depuis 2001 sont :
─ la large prédominance du génotype G1 à l’exception des saisons 2004-2005 et 2015-16 à 2019-20.
─ l’émergence de nouveaux génotypes :
- le génotype G9 est devenu, depuis la saison 2004-2005, un génotype « classique » avec G1, G2, G3 et G4. Il a réémergé depuis la saison 2015-2016 et a circulé parfois avec une forte prévalence jusqu’à la saison 2018-19.
- le génotype G12, depuis la saison 2011-2012, a été globalement moins « brutale » que celle du génotype G9, représentant en France entre 2 et 4% des souches avec des différences significatives selon les centres. Ce génotype circule de manière régionale en France mais est en nette augmentation avec une fréquence de 19,9% au cours de la saison 2019-20.
- le génotype G3 equine-like a émergé progressivement au cours des dernières saisons jusqu’à devenir prépondérant au cours de la saison 2019-20 avec une fréquence de 50,2%.
─ la variation cyclique des génotypes G2, G3 et G4. Le génotype G2P[4] doit cependant être plus particulièrement suivi dans les pays où la couverture vaccinale est élevée, principalement avec le vaccin monovalent.
─ la stabilité de la fréquence des souches inhabituelles (notamment le génotype P[6]) et l’existence, parmi celles-ci, de souches d’origine animale infectant les enfants. Depuis quelques saisons, des souches G8P[8] sont régulièrement détectées démontrant une adaptation à l’homme des souches G8 d’origine bovine (usuellement G8P[14]). Ces souches pourraient émerger dans les prochaines saisons.
Outre cette variabilité saisonnière des génotypes, il existe une grande variabilité géographique. Variabilité selon les centres en France et quelle que soit la saison. Cette variabilité est également retrouvée au niveau des pays européens.